Violette Jacquet née Violette Silberstein Les Sanglots longs des violons de la mort : Avoir 18 ans à Auschwitz Oskar Editions Collection : CADET (Novembre 2005) ISBN : 2-35000-044-3 Dessins : Yves Pinguilly, Marcelino Truong |
Madame Violette Jacquet-Silberstein évoque comment elle est arrivée à être
membre de l'orchestre d'Auschwitz. Elle est internée à l'âge de 18 ans à
Auschwitz et mise en quarantaine, passage obligé avant l'intégration du
camp. Violette Jacquet-Silberstein a découvert l'existence de l'orchestre
lors du comptage des commandos de femmes (unités de travail), le soir,
puisque celui-ci était accompagné de musique. Sept ans de violon avaient
fait d'elle une violoniste médiocre et elle n'a pas osé se porter volontaire
tout de suite pensant que d'autres femmes seraient meilleures qu'elle. Elle
finit par se présenter et est prise à l'essai pendant une semaine.
Un jour où on lui a volé ses galoches - les vols étaient très fréquents -
elle entre dans la salle de répétition et lave ses pieds boueux dans un seau
d'eau et tombe en pleurs. La chef d'orchestre l'intègre immédiatement. Être
membre de l'orchestre donnait beaucoup de privilèges : une douche
quotidienne, de la nourriture et de la soupe à volonté. Elle doit donc sa
survie et un quotidien amélioré à des chaussures volées et à un voleur ! |
Violette Jacquet-Silberstein (1925-2014), sept décennies de bonheur après Auschwitz
Le Monde
Mis à jour le 06.02.2014 à 16h26
Par Nathaniel Herzberg
Elle aimait dire que la musique lui avait « sauvé la vie ». Qu'elle lui avait permis de traverser la nuit concentrationnaire et de jouir de près de sept décennies de bonheur. Le son de la radio, ou celui de la chaîne Mezzo, l'accompagnait continuellement, dans la chambre de l'Institution des invalides qu'elle avait intégrée en 2009. Violette Jacquet-Silberstein, ancienne violoniste de l'orchestre des femmes du camp d'Auschwitz-Birkenau, est morte mardi 28 janvier, dans son lit, d'un arrêt cardiaque, à l'âge de 88 ans.
A 14 ANS, L'EXODE...
Née le 9 novembre 1925 à Petroseni, en
Roumanie, Violette Silberstein a trois ans lorsqu'elle arrive en France. Dans le
petit appartement du Havre où la famille est installée, le père travaille comme
tailleur, la fille joue du violon, et tout le monde dort dans le même lit.
Violette est heureuse. Entre musique classique et airs tziganes, elle poursuit
son apprentissage d'instrumentiste. A 14 ans, l'exode balaie tout cela. Les
routes, la campagne, Paris... Les Silberstein atterrissent à Lille, où un oncle
les accueille. C'est là que le 1er juillet 1943, dénoncée comme
juive, la famille est arrêtée par la Gestapo. Après un passage par le camp de
Malines, en Belgique, tous les trois sont déportés à Auschwitz.
Le père et la mère sont immédiatement assassinés. Violette ne doit son salut qu'à ses connaissances musicales. Les nazis ont en effet monté un orchestre de femmes. Elle a été retenue. Rythmer au son d'une marche, le départ aux aurores des détenus vers les carrières de pierre où ils triment toute la journée, les accueillir le soir à leur retour : les obligations quotidiennes de la formation sont réduites. Mais Alma Rosé, nièce du compositeur Gustav Mahler, qui règne sur cette troupe hétéroclite où voisinent instrumentistes professionnelles et amateurs, doit aussi satisfaire les officiers du camp, lors du concert du dimanche. « Les mêmes monstres, capables de tuer de sang-froid un enfant devant sa mère, pouvaient pleurer à l'écoute d'un lied », aimait rappeler Violette Jacquet-Silberstein.
LA PASSION DE TRANSMETTRE
Elle éprouve du plaisir à jouer. Malgré
l'horreur quotidienne du camp, malgré la mort de ses parents, qu'elle a apprise
dès les premiers jours. Ce miracle de la musique, Violette décide de continuer à
le vivre après l'évacuation d'Auschwitz en octobre 1944, puis la libération de
Bergen-Belsen, où les musiciennes ont été transférées, en avril 1945. Du violon,
elle est passée au chant et à la guitare ; de l'orchestre aux cabarets de la
rive gauche, puis au tabouret du restaurant de Toulon, qu'elle finit par ouvrir.
Depuis son retour à Paris il y a vingt ans, Violette avait trouvé une nouvelle passion : transmettre. Témoigner dans les écoles, les collèges, consciente que la parole des rescapés finirait par disparaître, en tentant de conserver cette pointe d'humour à laquelle elle tenait tant. « Même dans les blocs, les filles riaient et chantaient », soulignait-elle. Régulièrement, elle retrouvait les survivantes de l'orchestre, éparpillées à travers le monde. Son expérience avait aussi inspiré plusieurs spectacles. En 2005, elle avait publié un récit autobiographique pour les enfants, adapté, en 2009, au théâtre de l'Epée de bois. Un spectacle « formidable » auquel elle apportait une « toute petite réserve » : « J'y manque un peu d'humour. Je suis peut être vieille, d'accord, mais vous me trouvez triste ?