Igor Markevitch

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Igor Markevitch
, de son vrai nom Igor Matmémitch, chef d'orchestre et compositeur né le 27 juillet 1912 à Kiev en Ukraine et mort le 7 mars 1983 à Antibes en France.
(Russe: Игорь Борисович Маркевич, Ukrainien: Ігор Борисович Маркевич)
Fils du pianiste Boris Nikolaïevitch Markevitch et de Zoia Pokhitonova
Il fut naturalisé italien en 1947 et français en 1982.

Biographie

Le nom de Markevitch provient de sa généalogie prestigieuse : il descend de Marko un Prince de Bosnie, qui au XVe siècle est venu en Ukraine comme beaucoup de chrétiens, chassé par le Sultan, puis fixés et anoblies. Le nom est donc composé de Marko-vitch, soit fils de Mark. La famille avait prospéré jusqu'au XIXe siècle. Son arrière-grand-père, bien que juriste, avait fondé avec Anton Rubinstein, le conservatoire de Saint-Pétersbourg en 1862. En tant que brillant violoncelliste il participait, avec son Stradivarius, à des concerts des plus grands musiciens comme Rubinstein, Rimsky-Korsakov, Liadov, Glazounov... Son grand père, Maréchal de la noblesse, peintre de formation, épousa une française et recevait le compositeur Mikhaïl Glinka dans sa demeure. Toute la famille avait, depuis fort longtemps, « divinisé » la musique ou en tout cas occupait tout le monde.

Enfance

Igor est né en Ukraine. Son père, Boris Nikolaïevitch est pianiste, ancien élève d'Eugen d’Albert et de Raoul Pugno à Paris. La grand mère maternelle d'Igor étant française, sa mère Zoia Pokitonova (-1972) avait été élevée en France. Son père avait renoncé à ses privilèges pour se consacrer uniquement à la musique. Atteint d'une tuberculose pulmonaire il avait été obligé de passer de longs séjours en sanatorium, à Davos en Suisse, après ses vingt ans. Deux ans après sa naissance, la famille quitte l'Ukraine définitivement : surpris par la guerre et les évènements politiques, tout retour est impossible. Ils logent d'abord à Paris. Le petit, allongé sous le piano, écoute, « traversé de part en part par un torrent de résonances »[1], et fixe dans sa mémoire de nombreuses œuvres du large répertoire de son père, qu'il chante ou siffle machinalement.
En 1915, la santé de Boris Nikolaïevitch s'étant dégradée, toute la famille s'installe en Suisse d'abord à Lausanne, puis à Leysin une station climatique, et enfin, à une heure de là, au bord du lac Léman, dans la région de Vevey, à la Tour-de-Peilz, dans une propriété en location, la Villa Maria. Décidé à se fixer en Suisse, son père donne des cours de piano, ce qui aide fort à joindre les deux bouts... Tous les amis et membres de la famille se réunissaient le samedi qui était entièrement consacré à la musique.
Vers ses sept ans son père lui apprend à jouer aux échecs, puis dès que l'enfant a compris, il exige de jouer à l'aveugle, par exemple en jardinant...

Formation

L'enfant commence à étudier le piano avec une élève de son père, Madame Pasteur. Son père ne lui donne que quelques leçons. Avec sa mère, il se rend à son premier concert symphonique où la toute jeune Clara Haskil joue le Concerto de Schumann (1921).
En 1922, il perd son père âgé de quarante-sept ans. La mère d'Igor, sa sœur Nina et lui, emménagent dans un infect rez-de-chaussée en ville. L'enfant est sans cesse poussé à lire ou à étudier une Ballade de Chopin plutôt que de partir en balade en bicyclette : « Voyons, mon petit, est-ce que Beethoven faisait de la bicyclette ? », répondait sa mère. Le soir la récompense est la lecture de Tolstoï ou Pouchkine en russe...
Il s'échappe parfois et découvre les quatuors de Beethoven sur le gramophone de son professeur de littérature, Emmanuel Buenzod, qui voue une « admiration mystique » au maître de Bonn.
Pendant trois années qui suivent, son premier maître de piano fut Paul Loyonnet (1886-1988). Il prenait ses leçons à Lausanne où Madame Pasteur, lui servant de répétitrice, l'accompagnait. Il eut ainsi deux professeurs. Markevitch rapporte : avec Loyonnet, « jetant loin études et exercices, nous plongions alors avec délice dans Mozart, Schubert ou Schumann [2] ».
Après Igor travaille avec Émile-Robert Blanchet un élève de Busoni. En 1925 son jeune élève lui présente une œuvre intitulée Noces dont son maître pressant la valeur : « Ce qui le frappa dans cette musique d'enfant fut sans doute moins sa valeur intrinsèque que le savoir qu'elle démontrait et que je n'avait appris nulle part.[3] » Blanchet organise une rencontre avec Alfred Cortot de passage à Lausanne. Cortot l'invite, à sa charge, à l'école qu'il a fondé à Paris (l'École normale). Il confie à la mère de l'enfant : « Ce garçon, Madame, vous donnera beaucoup de joies et de fierté [...] Il doit apprendre à se servir de ce qu'il sait de Dieu.[4] », ce qui la ravissait.
A l'automne 1927, la famille s'installe de nouveau à Paris mais partage le temps de l'année entre Vevey et la capitale. Unique enfant de l'institution qui accueil une vingtaine d'élèves adultes (dont Lennox Berkeley par exemple dont il devint l'ami et qui lui fit connaître Hindemith ou Milhaud), il répète dans la classe de piano avec Madame Kastler, la composition, l'harmonie et le contrepoint avec Nadia Boulanger (russe par sa mère), avec qui il entretint toujours des rapports privilégiés fondés dans l'admiration et l'affection. Elle lui dévoila la musique dans toute son intelligence, acquérant le sens privilégié de l'interprète, confluent d'objectivité présente et de subjectivité du passé. Nadia lui transmis « l'art d'enthousiasmer par la rigueur.[5] »
Il gagne ses premiers sous en effectuant des arrangements pour des courts métrages. Sa mère lui fait la lecture en Français, pendant qu'il écrit et plus tard aussi lorsqu'il compose sa propre musique. Il donne quelques cours, ce qui permet d'améliorer l'ordinaire.

La composition et l'apprentissage de la direction d'orchestre

Alors qu'il n'a que seize ans, il rencontre Diaghilev à l'Opéra de Paris (décembre 1928). Toujours à la recherche du nouveau et de musiques de ballets propres à surprendre, étonner ou provoquer le public, Diaghilev pense avoir trouvé un compositeur à même de lui donner une partition pour la prochaine saison des ballets russes. Celui-ci, après avoir écouté le Finale de la Sinfonietta trois fois, lui commande un concerto pour piano en guise d'essai. Pour développer ses « notions encore primaires dans le domaine de l'orchestration[6] » Serge Pavlovitch Diaghilev fait donner des leçons par un compositeur italien, à qui il avait déjà commandé deux ballets [7] : Vittorio Rieti, un élève de Respighi et Casella, lié à Berg et Schoenberg à Vienne. Diaghilev surveille et stimule le travail en cours, discutant pour changer tel ou tel passage. Le Concerto est créé par l'auteur au piano et sous la direction de Roger Desormière lors d'une soirée de ballet à Londres le 15 juillet 1929 et remporte un réel succès. La mort précipitée de Diaghilev laisse inachevée l'œuvre suivante projetée.
Le 3 novembre de la même année est créé à Bruxelles la Sinfonietta, sous la direction de Desormière. Peu après le succès de l'œuvre, Igor a l'idée de réutiliser le matériau accumulé pour L'Habit du Roi destiné aux Ballets Russes : ainsi naquit Cantate sur un texte de Jean Cocteau. En fait, la composition fut achevée avant même que Cocteau, pris par le tournage du Sang d'un Poète, ne soit intervenu. « L'œuvre présente donc le cas particulier d'un ouvrage lyrique où les paroles ont été écrite sur la musique, non le contraire[8]. » La pièce est créé le 4 juin 1930 par Désormière, le chœur d'hommes Yvonne Gouverné et la soliste Madeleine Vitha.
Le 13 mai 1932 est créé une commande de la Princesse de Polignac : la Partita (1930) par Marcelle Meyer et Roger Desormière.
Il poursuit sa formation dans l'art de la direction avec avec Pierre Monteux (1933), qui avait créé tant de chefs-d'œuvre avec les ballets russes à partir des années 1910, venait de fonder l'École Monteux, destinée aux jeunes chefs.
Son premier concert ne sera rien moins qu'au Concertgebouw d'Amsterdam, invité par Monteux pour la création de Rébus. Il a vingt ans. L'œuvre fut donnée la même année à Boston et New York par Koussevitzky.
Puis il travaille avec Hermann Scherchen (1934/36), qui l'appelle « mon orchidée empoisonnée ». Il épouse la fille de Nijinsky, Kyra en avril 1936.
Ses modèles en compositions sont Honegger, Hindemith et surtout Stravinsky. Mais à la fin des années trente sa production de raréfie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Igor Markevitch fait partie de la résistance italienne à partir de 1943 dans la région des Apennins au nord de Florence.
Il se remarie avec Topazia Caetani qui lui donnera plusieurs enfants dont un chef d'orchestre célèbre, Oleg. Il est naturalisé italien en 1947.

Le chef d'orchestre

La fin de la guerre marque le début d'une carrière internationale. Il entreprend une carrière de chef d'orchestre qui le rendra universellement célèbre, à la tête principalement de l'Orchestre Lamoureux, de l'Orchestre philharmonique de Berlin ou du Philharmonia à Londres. C'est pourquoi il est aujourd'hui plus connu pour son activité de chef que pour ses talents de compositeur.
De 1948 à 1956, il assure la classe de direction d'orchestre du Mozarteum de Salzbourg.
De 1952 à 1955, il est le chef de l'Orchestre de Stockholm. Il y découvrira le compositeur Franz Berwald et en laissera de magnifiques disques grâce aux cessions d'enregistrement des années 1953 à 1955 avec le Philharmonique de Berlin.

Igor Markevitch, un tournant pour l'OSM

Date de diffusion : 4 novembre 1958

Après avoir mené avec succès l'interprétation du difficile Sacre du printemps de Stravinsky, joué pour la première fois au Canada, le chef d'origine russe Igor Markevitch est nommé conseiller musical de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) en 1957, puis directeur artistique l'année suivante.
Sa nomination met fin à une période de chefs invités qui dure depuis le départ de Désiré Defauw en 1953.
En novembre 1958, Markevitch parle à Janine Paquet des projets de cette saison qui souligne à la fois les 25 ans de l'OSM, mais aussi son nouveau statut d'orchestre permanent.
Il donne son opinion sur ce qu'il qualifie de « nouveau dada », de « fantaisie qui n'a pas une très grande valeur » : l'enregistrement stéréophonique.

Concerts Lamoureux

Après deux saisons à Montréal, puis à La Havane, il revient sur le vieux continent pour prendre la direction de la meilleure phalange française de l'époque, l'orchestre des Concerts Lamoureux de 1957 à 1961. C'est une période faste où sont commandées et créées de nombreuses œuvres : Doubles de Pierre Boulez, Hymne de Messiaen, Achorripsis de Xenakis, le Concerto pour alto de Milhaud, la Troisième symphonie de Barraud... Avec cet orchestre sont aussi gravés de nombreux enregistrements de référence, encore incontournables aujourd'hui : Berlioz, Milhaud, Honegger, Debussy, Gounod ou Roussel...
De 1965 à 1972, il est responsable de l'Orchestre de la Radio Télévision espagnole et enseigne la direction au Conservatoire Royal de Madrid.
Ensuite il est le directeur musical de l'Académie Sainte-Cécile de Rome. Il est naturalisé français en 1982.
Le musicologue genevois R. Aloys Mooser disait de lui : « Je n'ai guère rencontré que deux compositeurs qui possédaient d'égales aptitudes dans l'art d'écrire et dans celui de conduire : G. Mahler et R. Strauss. A ces deux exceptions vient s'ajouter aujourd'hui celle d'Igor Markevitch.[9] »

Œuvres principales

En tant que compositeur

Orchestrations

En tant qu'écrivain

Théorie

Discographie sélective

Compositeur

Chef d'orchestre

Notes & références

  1. Être et avoir été, p. 66
  2. idem, p. 125.
  3. idem, p. 129.
  4. idem p. 130.
  5. Claude Naquette, Anthologie des interprètes, Stock, 1979 p. 399.
  6. idem p. 171.
  7. Il s'agit de Barabau en 1925 et Le Bal créé pour la saison 1929
  8. idem p. 198.
  9. Cité par Nanquette, op. cité p. 399.