Jean Wiener est un pianiste et compositeur français, né le 19 mars 1896 à Paris, où il est mort le 8 juin 1982. Il est l'auteur de plus de 200 musiques de film, pour le cinéma et la télévision

Compositeur français, né à Paris le 19 mars 1896. Élève d’André Gédalge au Conservatoire de Paris jusqu'en 1914. Grâce au pianiste Yves Nat, il découvre la musique négro-américaine qu'il s'attache à faire connaître pendant l'entre-deux-guerres. Marquées par cette formation classique, ses premières œuvres (Sonate pour violoncelle et piano) laissant assez peu présager la fantaisie inventive de celui qui, à l’enseigne du « Bœuf sur le toit », allait devenir en compagnie de Clément Doucet, le pianiste introducteur du Jazz en France, et un infatigable improvisateur. Dans le sillage de Cocteau et du « Groupe des six », il prend une part active à l’explosion des formes artistiques au lendemain de l’armistice de 1918, organise des concerts de musique contemporaine où sont révélées des œuvres de Falla, Schönberg (« Pierrot Lunaire », 15 décembre 1921) et Stravinsky. Ses oeuvres d’alors, influencées par la musique nord-américaine, sont diversement appréciées dans les milieux musicaux conservateurs, et son « Concerto franco-américain » pour piano et orchestre provoque même un petit scandale aux Concerts Pasdeloup en 1924.

À la mort prématurée de Clément Doucet, il se consacre à la composition notamment de musiques de film . Il a créé la musique du générique de l'émission Histoires sans paroles de l'ORTF.
Ses dons d’improvisateur le conduisent vers le cinéma, au temps du muet, mais à titre amical : c’est pour accompagner des projections privées de films de Marcel L’Herbier. Son premier contact avec le cinéma sonore, c’est pour la première version de KNOCK avec Jouvet, signée Roger Goupillières. Plus de 300 partitions de courts et longs métrages vont lui faire suite, et, à partir des années cinquante, nombre de partitions et improvisations pour la télévision. « Si j’ai écrit autant de musiques de film, avoue-t-il , c’est sans doute à cause de mon amour de la vie ». Convaincu du fait que le cinéma est le lieu d’unification des formes musicales populaires et savantes, Wiener écrit généralement pour des ensembles instrumentaux réduits, plus soucieux de l’opportunité d’un thème et d’un timbre particuliers que des développements orchestraux. Parfaite osmose du thème et du timbre, l’air d’harmonica de TOUCHEZ PAS AU GRISBI (Jacques Becker, 1953) fit le tour du monde mais surtout constitua un exemple unique d’identification d’un personnage à un thème musical, joué sur un instrument peu utilisé alors, et dont l’acidité mélancolique exprime la lassitude et l’amertume de l’ex-truand vieillissant.

Cette réussite célèbre ne doit pas occulter d’autres manifestations probantes des talents divers de Wiener, autant à son aise dans l’univers de Renoir (LE CRIME DE MONSIEUR LANGE, 1935, LES BAS-FONDS, 1936) qu’au milieu des dessins animés de Paul Grimault (six films entre 1936 et 1944, de MONSIEUR PIPE FAIT DE LA PEINTURE au VOLEUR DE PARATONNERRES). La générosité de Louis Daquin (six films, à partir du VOYAGEUR DE LA TOUSSAINT, 1942, jusqu’à MAÎTRE APRÈS DIEU, 1950), le pessimisme de Julien Duvivier (dix films, de PAQUEBOT TÉNACITÉ, 1934, à LA FEMME ET LE PANTIN, 1958), la grâce de Jacques Becker (RENDEZ-VOUS DE JUILLET, 1949, avant le GRISBI) et la rigueur de Robert Bresson (dont il signa le premier film – un burlesque !-, le court métrage LES AFFAIRES PUBLIQUES, 1934, trente ans avant AU HASARD BALTHAZAR et MOUCHETTE 1966) offrent au musicien des approches et des exigences diverses, quelquefois opposées, de la fonction musicale dans le film : décor, atmosphère, continuité dramatique, commentaire…

Mais Wiener n’oublie jamais la règle de simplicité et de clarté qui lui semble devoir être celle du compositeur au cinéma ; règle qui ne contredit en rien le style de ses œuvres à destination du théâtre et du concert écrites entre temps : « Psaume de la Quarantaine » (1948), l’opéra « Les Taureaux » (1949), le fameux « Concerto pour accordéon et orchestre » (1957) et un concertino pour piano et orchestre contemporain du film de Franju LA FAUTE DE L’ABBE MOURET (1970). Depuis, compositeur cette DANS l’image. Wiener a mis en musique DUELLE de Jacques Rivette (1975), prouvant ainsi qu’il est loisible à un compositeur amoureux du cinéma de travailler avec plusieurs générations de metteurs en scène. « Le cinéma peut être aussi bien admirable que détestable, dit-il. Il faut en écrire les musiques avec le même amour que pour un concerto. »
En 1980, Bobigny a inauguré l’École Nationale de Musique et de Danse, dénommée « Conservatoire Jean Wiener ».
En 1940, sachant que son ami , Jean Wiener, d’origine israélite et résistant, ne pouvait travailler sous son nom en raison des lois allemandes, Jean Bérard lui est venu en aide et a contribué à sa subsistance.
Jean Wiener a eu trois enfants, Maud Wiener, née en 1918, et Stéphane Wiener, musicien, comme son père, devenu altiste ; de son second mariage avec Suzanne de Troye, il a eu une troisième enfant, l'actrice et chanteuse Elisabeth Wiener.
Jean Wiener a publié ses mémoires en 1978 sous le titre Allegro Appassionato. (ISBN: 2-7144-1142-8, Belfond, Les bâtisseurs du XXe siècle) Réédition (préface par Alexandre Tharaud). Fayard, Paris 2012

 

 

 

 

Hommage à Roger Désormière

Comme c'est beau, comme c'est rare, un homme droit, juste, sévère et tendre dont la formule est demeurée la même, durant toute sa vie.
Depuis plus de quarante ans que j'ai connu « Déso », depuis la minute où j'ai fait sa connaissance, je l'ai craint et je l'ai aimé comme je l'aimais, il y a quelques jours, dans sa chambre, alors qu'il commençait de respirer difficilement.
Il fallait l'avoir vu devant une partition d'orchestre qu'il avait à diriger : il s'arrêtait devant une faiblesse et regardait l'auteur : la faiblesse était, pour lui, indiscutable ; elle le devenait pour l'auteur.
Il fallait le regarder dans une réunion politique, il fallait le regarder écouter et puis prendre la parole : s'il n'était pas d'accord, et quelle que soit la personne qui, d'après lui, se trompait, il exposait son point de vue avec une sûreté et parfois une dureté nécessaire et stupéfiante.
Il fallait le voir dans son jardin, montrant cent variétés de fleurs et les expliquant, avec des détails que ne peuvent donner que les spécialistes.
Il fallait avoir visité avec lui un château historique ou une église romane : il en connaissait toutes les richesses.
Il fallait l'avoir vu devant une automobile nouvelle, ou une quelconque machine : il ne la quittait qu'après s'en être fait expliquer le mécanisme qu'il comprenait aussitôt.
Et il fallait l'avoir vu aussi devant un être qu'on aimait et qu'on lui présentait : avec quelle attention affectueuse il le regardait.
Sévère et tendre, je pense que ces mots te définissent assez exactement, en fin de compte, mon Déso...
D'autres parleront de ta baguette, de ce métier de chef que tu as si merveilleusement servi, de cette silhouette qui, pour moi, rappelait si souvent celle de Toscanini.
Moi, je ne dirai ici que de petites choses qui ont alimenté cette longue amitié qui fut la nôtre.
Je rappellerai ce que tu fis pour moi pendant l'occupation allemande : tu m'as offert de signer les partitions de films que j'ai pu écrire, grâce à toi, et qui m'ont permis de vivre et de faire vivre les miens.
Je dirai que je t'ai été reconnaissant de m'avoir fait pleurer, plusieurs fois, à cause de ton implacable rigueur.
Je dirai enfin la terrible émotion qui s'emparait de moi, chaque fois que je sonnais à ta porte, depuis onze ans que ce mal t'avait terrassé, qui t'avait ôté, à toi, l'usage de la parole...
Dès que j'étais près de toi, je savais que ton intelligence était demeurée intacte, que tu étais au courant de toutes choses ; mais il m'est arrivé, plusieurs fois, de ne pas comprendre tout de suite ce que tu me demandais, par signes, et tu n'as jamais su le supplice que ma bêtise m'imposait alors...
Adieu, Déso, qui aura été un homme exemplaire : tu as honoré la vraie musique, plus que personne au monde ; tu as courageusement, et de toutes tes forces, défendu les causes vraies.
Et il faut qu'on sache que tes amis véritables n'ont cessé de souffrir de l'impensable martyre qu'a été la longue fin de ta trop courte vie.

Jean Wiener

Cinéma pendant la guerre:

* Sous le prête-nom de Roger Désormière

1940

1942

1943

1944

Autres compositions :

Concerto franco-américain pour piano et cordes (1923)
Olive chez les nègres, opéra "déségrégationniste" (1926)
Suite de danses n° 1 (1954) ¹
Suite de danses n° 2 (1955) ¹
Les Taureaux, opéra bouffe (1957)
Concerto pour accordéon et orchestre (1957)
Concerto pour 2 guitares et orchestre (1966)
Concerto pour orchestre et piano principal (1970)
Sonate pour violoncelle et piano (1970)

¹ Forgotten Records 826

Piano seul :

Sonatine syncopée (1923)
Charleston Blues (1925)
Georgians Blues (1925)
Sonate pour piano (1926)
Deuxième sonatine (1928)
Rêve (1929)
Dancing Étude
Quatre petites pièces radio (1947)
Chicken reel - Histoires sans paroles, Ragtime pour flûte à bec composé en 1910 par Joseph M. Daly, d'après un thème traditionnel. (manuscrit, arr. Paul Lay)
Trois Danses (1955)
Sonate sans nom (1973)
Sonate "démodée", à la mémoire de Darius Milhaud (1974)
Trois Moments de musique (1981)
Pour Pierre Cornevin (1981)
One Step (du village de Le Blanc)
Blues
Haarlem (Tempo di Blues)

Mélodies :

Deux Mélodies : Aéronautes et Souvenirs d'enfance (1921)
Trois Blues pour chant et piano (1923)
Deux Poèmes de Jean Cocteau (1924)
Sept Petites Histoires (1924)
Trois chants pathétiques (1941)
12 Chansons de nos métiers (1950)
Chantefables pour les enfants sages, 30 petites mélodies (1955)
Chantefleurs, 50 petites mélodies (1959)

Cantates pour soliste, choeur et orchestre :

Le Psaume de la Quarantaine (A. Mella) (1961)
La Mort de Lénine (Mayakowski)
Lamento pour les enfants assassinés (H. Bassin)
Chants pour les morts en montagne (Samivel)
Dernière Nuit (P. Eluard) (1975)

Musique de Chambre :

Suite pour violon et piano (1925)
Sonate pour violoncelle et piano (1968)