Casimir Georges Oberfeld (né Kazimierz Jerzy Oberfeld)
Georges Grandchamp (pseudonyme)

16 novembre 1903 à Łódź (Pologne) - Janvier 1945, Přelouč (Tchécoslovaquie)
pendant l'évacuation du Camp d'Auschwitz

Encyclopédie Multimédia de la Comédie Musicale Théâtrale en France

 


© Collection privée - Droits réservés.
Le deuxième portrait date de l'arrestation de Casimir Oberfeld, à Nice, en 1943.
 


Yves Laplace
Plaine des héros
ISBN : 978-2-21368-591-5

Éditions Fayard

Fils de Roman Władysław Oberfeld, banquier d'origine juive et de Olga Heryng, (polonaise par son père et lituanienne par sa mère, née Bergson), poétesse de religion chrétienne,
Casimir Georges Oberfeld, naît Kazimierz Jerzy Oberfeld, le 16 novembre 1903 à Łódź (Pologne).
Déjà à l’école, le jeune Casimir monte des revues musicales de fin d’année. Il a étudié la musique au conservatoire de Łódź puis à Varsovie ave Zbigniew Drzewiecki.
Arrivé en France en 1924, il compose, la musique de chansons à succès de style humoristique comme "A Paname un soir" pour Alibert, "C’est pour mon papa" pour Georges Milton, avec, entre autres, les paroliers Roger Pujol, Jean Manse, Charles Pothier,
Albert Willemetz (avec lequel il fait aussi des opérettes). Ses premiers succès sont publiés à compte d'auteur, puis il s'associe avec l'éditeur Lucien Brulé (Éditions Lucien Brulé) à Paris.
Le 8 Octobre 1926, Casimir Oberfeld est accepté comme stagiaire dans la section des compositeurs à la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique).
En novembre 1931, il s'installe définitivement en France. A Paris, il obtient ses plus grands succès, parfois sous le nom de Georges Grandchamp. Après avoir émigré en France, il achève ses chansons en polonais pour les publier comme des "succès étrangers".
Il compose la musique de films sonores français d'abord, puis ses chansons et revues sont au répertoire de grands artistes français :
Joséphine Baker, Lucienne Boyer, Mistinguett ("C’est vrai", 1933), Maurice Chevalier (entre autres, "Paris sera toujours Paris") et surtout Fernandel, (dont "Félicie aussi", que l'on entend toujours)
et pour lequel il fait de nombreuses musiques de films dont Fric-Frac (1939) avec Arletty et Michel Simon, Barnabé et Le Schpountz (1938), Les Cinq sous de Lavarède (1939), tournés pour la plupart aux Studios de la Victorine à Nice.
C’est là, au cours d’un tournage ("Les Cinq sous de Lavarède", 1938), qu’il rencontre et s’éprend de Lili, (Élisabeth Macalester de Donici) une ravissante figurante-danseuse d’origine moldave, russe/roumaine et britannique, également pianiste.
S'agissant de ses opérettes, outre Le Rosier de Madame Husson (1937) avec Jean Manse et Cœurs en rodage (1935) avec M. Eddy et J. Darrieux, il travaille beaucoup avec Albert Willemetz, pour entre autres La Pouponnière (1932).
Compositeur très actif, la liste de ses œuvres composées, au cours de ses séjours en France, (entre 1925 et l'éclatement de la Seconde Grande Guerre ) et enregistrées auprès de la SACEM, représente plus de 100 pages.
Il écrit de la musique de revues, de la musique religieuse, des chansons pour virtuose du piano forte, de nombreux tangos, foxtrot, blues, charleston, rumba, java, des marches, one step et pasodoble. Pour la grande musique, mentionnons sérénades, intermezzi et deux symphonies :
Danse de Paulette et Roland
ainsi que Misterioso Concon (achevé en août 1939). En 1938, Casimir Oberfeld compose même une danse, nouveau rythme en vogue : "La Conga". Le 24 mars 1939, Casimir Oberfeld devient membre à part entière de la SACEM.
Pendant la "Drôle de Guerre", période d’attente entre septembre 1939 et mai 1940, Casimir Oberfeld n’hésite pas à sortir de son répertoire comique en composant pour Fernandel au Théâtre aux Armées, la musique de "Francine",
chanson stigmatisant l’intox et la propagande des Allemands visant à démoraliser l’armée française. Ces derniers ne manqueront pas de s’en souvenir plus tard lors de leur entrée à Paris…
Effectivement, depuis juin 1940, sous l’Occupation, la vie devient plus difficile, voire risquée pour lui. Pourtant, il refuse de voir le danger qui le menace. Il doit cependant quitter sa maison de Saint-Cloud et fuir avec ses parents en Corrèze, à Uzerche, en "zone libre ".
Puis, mourant d’ennui, il part s’installer, avec sa chère Lili, à Marseille où il rejoint Fernandel pour lui faire encore quelques chansons en 1941 dont "Les jours sans".
Pour sa propre sécurité, il fait signer par des compositeurs "aryens" ses musiques de chansons et d’un film, Le chapeau de paille d’Italie (tiré d’une opérette) avant d’être peu à peu réduit au silence !
Belle occasion pour deux "auteurs" sans scrupule (Charles Courtioux et André Montagard) de s’inspirer "fortement" d’un passage de son opérette de style comique troupier,
La Margoton du bataillon
(1933) pour en faire le refrain de l’hymne du régime de Vichy de Pétain, "Maréchal nous voilà !"
A l’époque, la SACEM avait bien relevé ces "réminiscences" (sic) avant de se voir plus tard contrainte de geler tous les droits d’auteur de Casimir Oberfeld !
Désormais interdit de musique par les lois antisémites de Vichy, forcé de fuir de Marseille, en 1942, lorsque les Allemands envahirent la zone libre, à l’instar de son confrère et compatriote Norbert Glanzberg (compositeur, entre autres, de "Padam, Padam"),
il se réfugie à Nice, alors occupée par l’Italie, plus clémente à l’égard des "métèques". Il est compositeur et pianiste des Studios de la Victorine.
Pour l'anecdote, c’est à Nice, sur la plage, avec Lili, que son côté polonais frondeur s'exprime : il a, un jour, l’impudence de siffler le refrain d’un chant de guerre hostile à l’Allemagne, "Nous irons pendre notre linge sur la Ligne Siegfried",
en passant devant des soldats allemands qui, fort heureusement, prirent la chose avec humour.
Cependant, en septembre 1943, à la suite du débarquement des Alliés en Sicile, l’armée italienne évacue la région et est aussitôt remplacée par les Allemands qui, dès leur arrivée, procèdent à une rafle de grande envergure.
Arrêté, puis expédié en train au camp de Drancy, pendant le voyage, Casimir Oberfeld a plusieurs fois l’occasion d’entendre (sa propre musique transformée) l’hymne de Vichy.
Il est déporté, le 17 décembre 1943, par le convoi 63, à Auschwitz - Monowitz, où il survit, en tant que "musicien des camps".
Mais en janvier 1945, devant l’avance des troupes soviétiques et l’imminence de la libération de ce camp de concentration, les SS évacuent les hommes encore valides en organisant leurs sinistres "Marches de la Mort" dans des wagons sans toit par un froid polaire.
Comme la plupart des prisonniers, Casimir Oberfeld y meurt de froid. Pendant un arrêt technique du train, son corps est jeté avec huit autres, devant un village tchèque, à la frontière polonaise.
Un prêtre courageux, bravant l’interdiction des Allemands (qui prohibaient l’inhumation des Untermensch), les fait tout de même enterrer, de nuit, dans une tombe collective, dans le cimetière du village.
Le numéro de déporté de chacune des neufs personnes est reporté sur une "pierre tombale".
Après la guerre, malgré les efforts (3) de son ami Albert Willemetz , alors président de la SACEM, pour réhabiliter sa mémoire, le nom de Casimir Oberfeld tombe dans l’oubli, mais pas sa musique !
L’évocation de son élimination sous l’Occupation pouvait-elle se révéler embarrassante ?
Toujours est-il que lorsque certaines chansons, dont il a composé la musique comme "Félicie aussi", sont rediffusées ou chantées, on ne mentionne jamais le nom du compositeur...

 

A la recherche de Casimir Oberfeld, victime des ‘marches de la mort’ en Bohême
Pierre Meignan
24-05-2016

Célèbre compositeur de chansons et d’opérettes dans l’entre-deux-guerres, Casimir Oberfeld, interné à Drancy puis à Auschwitz, est décédé en janvier 1945, victime de l’évacuation forcée du camp d’extermination connue sous le nom de ‘marches de la mort’.
Son corps vient d’être exhumé à Přelouč, une commune de l’est de la Bohême, à l’initiative de Grégoire Dunant, le fils biologique de l’artiste, qui a passé plusieurs années de sa vie à rechercher la dépouille mortelle de son père, une quête qui l’a donc mené en République tchèque.
Au micro de Radio Prague, M. Dunant a accepté de raconter son histoire, l’histoire d’une famille prise plus qu’une autre dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale. MP3 (12:33)

M. Dunant, vous disiez à la Radio tchèque que vous ne croiriez à cette histoire qu’une fois que le corps de Casimir Oberfeld, votre père biologique, serait enterré. Qu’en est-il ? Comment s’est déroulé le transfert de son corps de la République tchèque vers la France ?

« On a eu du suspense. Pour les lois tchèques cela allait, mais pour les lois françaises, il aurait fallu l’envoyer par la route et en cercueil. En France, il aurait pu y avoir des histoires à la douane puisque nous l’avons envoyé par avion et par colis postal. La première partie s’est heureusement bien passée. Il est arrivé au funérarium de Nanterre où la dépouille est déposée en attendant la cérémonie d’enterrement qui aura lieu au cimetière du Montparnasse vers la fin juin, début juillet. »

Et il y a encore quelques petits soucis administratifs… Parlons de Casimir Oberfeld, c’était un célèbre compositeur et chansonnier dans l’entre-deux-guerres. Pourriez-vous nous raconter son histoire ?


Raphael le Tatoué, photo: public domaim

« Il est né à Łódź en Pologne. Il était déjà compositeur là-bas mais il s’y est trouvé un peu à l’étroit et il est venu en France où il a eu tout de suite du succès, soit en son nom, soit sous le nom de Grandchamp. Oberfeld, cela veut dire ‘au-dessus du champ’ et il a pris le pseudonyme de Georges Grandchamp. Il a eu tout de suite du succès, pour des musiques de film, dans les années 1930. Il a fait des chansons pour Maurice Chevalier, dont ‘Paris sera toujours Paris’, pour Mistinguett et beaucoup pour Fernandel. Il a fait plein de musiques de film et d’opérettes, c’est un compositeur très prolifique. Comme Fernandel l’a adoré, il l’a pris systématiquement dans ses films et donc ce monsieur a évincé d’autres compatriotes marseillais de Fernandel, qui en ont pris ombrage et qui, on ne peut pas vraiment le dire officiellement, se sont vengés pendant la guerre. »

Pendant la guerre, le destin de Casimir Oberfeld va être tragique et c’est comme cela que son corps va finalement se retrouver sur le territoire tchèque…


Grégoire Dunant, photo: ČT

« Jusqu’en 1940, cela a été. Il a encore fait de la chanson avec ‘Francine’ contre l’Allemagne. Déjà ‘Paris sera toujours Paris’ stigmatise la ‘drôle de guerre’ et les alertes aériennes… En 1940, quand les Allemands ont occupé la moitié nord de la France, il a dû fuir Paris et il a été interné avec ses parents. Grâce à l’argent qu’il avait gagné, il avait acheté une maison et fait venir ses parents de Łódź. Le père était juif et la mère non-juive, ce qui fait que pour les Juifs, il n’est pas soutenu parce qu’il est considéré comme non-juif, il est chrétien puisque sa mère n’est pas juive, et pour les Allemands, avec son père et son nom, il est considéré comme juif. Il a été interné dans une sorte de maison surveillée qui n’était pas une vraie prison. Par un miracle – je ne sais toujours pas comment cela s’est passé -, de Corrèze il a réussi à partir pour Marseille, où, même s’il y avait des lois antijuives, c’était tout de même un peu plus souple. Fernandel, qui était son allié, l’a engagé sans donner son nom et il a pu travailler un petit peu.


'La marche de la mort’, photo: United States Holocaust Memorial Museum

Ensuite en 1942, quand il y a eu le débarquement allié en Algérie, Hitler était fou furieux contre Pétain. Il a dit : ‘ces Français sont tous des traîtres’ et les Allemands ont envahi la zone libre. Casimir Oberfeld a tout juste eu le temps de filer de Marseille pour arriver à Nice, parce que Nice était sous occupation italienne et les Italiens n’étaient pas antisémites. Ma mère a été souvent le voir à Nice mais ensuite, quand il y a eu le débarquement de Sicile, les Italiens ont décampé, les Allemands les ont remplacé et à peine arrivés, en septembre 1943, ils ont commencé des rafles et c’est là qu’on a raflé Casimir Oberfeld, les parents de Serge Klarsfeld entre autres, Norbert Glanzberg… Les parents de Serge Klarsfeld ont été gazés immédiatement et Norbert Glanzberg, grâce à ses relations, a réussi à s’évader. Casimir Oberfeld, personne n’a levé le petit doigt pour lui et il a été envoyé à Drancy d’abord, le centre de tri des Juifs en France, puis expédié à Auschwitz.


Norbert Glanzberg, photo: talk / CC BY-SA 4.0

Comme il était musicien, il n’a pas été gazé, il devait jouer de la musique. Il est devenu musicien des camps et il a survécu presque jusqu’à la fin. Malheureusement, les Russes allant prendre Auschwitz, les nazis ont eu peur et ils ont évacué les hommes valides dans ces trains et ces ‘marches de la mort’. C’est là qu’il est mort, dans des trains sans toit, par -20 °C dehors. Il est mort de froid. Le train s’arrêtait tous les 50-30 km dans des gares et on jetait des cadavres. Son cadavre a été jeté, peut-être même qu’il a été abattu – il y a là un mystère. Les Allemands ont dit de ne pas enterrer ces ‘Untermenschen’, c’est-à-dire les ‘sous-hommes’. Mais quand les Allemands sont partis, les Tchèques, des résistants, et en particulier un prêtre courageux l’ont enterré avec huit autres hommes dans une tombe commune. Comme il ne savait pas leurs noms, il a fait des cloisons et il a réalisé un plan avec les numéros des prisonniers. C’est comme cela qu’on est arrivé à le trouver. Ce prêtre a servi l’humanité. Il a pensé que, peut-être après lui, des gens viendraient demander les corps. »

Vous êtes né en 1942 et vous n’avez appris que Casimir Oberfeld était votre père biologique que bien plus tard…

« A 18 ans… Je suis né dans une famille antisémite du côté maternel ! Elle ne justifiait pas pour autant l’holocauste mais ma mère, anglo-saxonne par sa mère et russe, était antisémite. Sa sœur a épousé un grand agitateur, un chef fasciste suisse, qui, quand son parti a été interdit, est venu à Paris travailler pour la propagande allemande. C’est Georges Oltramare. Cela fait l’objet d’un livre qui s’appelle ‘Plaine des héros’, écrit par Yves Laplace, où je dois gérer la contradiction entre cette famille antisémite et puis la découverte du fait que j’ai un quart de sang juif à 18 ans. C’est le choc ! »

Quand avez-vous appris cela ? C’est par une lettre me semble-t-il…


La tombe de Casimir Oberfeld à Přelouč, photo: ČT

« C’est parce que j’ai fouillé dans une des malles de ma grand-mère et tout à coup, j’ai vu des cartes postales adressées à ma mère. A l’époque je portais encore le nom de ma mère car je suis né de père inconnu. Et soudain je suis tombé sur un papier où Casimir Oberfeld reconnaissait être mon père. Je me suis dit : ‘mais quel nom ! Un nom pareil ! Oberfeld ! Mais c’est ‘youpin’ ! Non mais c’est pas vrai !’ Ma mère m’a ensuite dit qu’il ne fallait pas trop en parler mais qu’elle était fière de lui parce que c’était un homme célèbre avant la guerre. Elle l’a connu parce qu’elle est venue faire de la figuration aux studios de la Victorine à Nice. Elle était danseuse et figurante de film et puis elle a tapé dans l’œil du compositeur. »

Comment avez-vous décidé de partir à la recherche du corps de votre père biologique et comment l’avez-vous retrouvé ?

« Longtemps, je n’ai rien décidé parce que pour ma mère c’était le tabou tant que mon père existait. Même si ma mère voulait bien me parler de lui parce qu’il paraît que je ne lui ressemble pas tellement physiquement mais au point de vue du caractère : il était très gentil, il avait des dons musicaux mais vingt fois plus que moi. Trois facteurs conjoints ont ensuite joué. D’abord la mort de ma mère en 2007, cela m’a un peu libéré ; l’intervention de ma copine qui est extrêmement volontaire et qui m’a dit que je ne pouvais pas garder un secret comme cela, surtout que c’est un homme célèbre ; troisièmement j’ai eu un infarctus. J’ai failli mourir bêtement, je ne savais pas que c’était un infarctus. Ma copine m’a alors dit : ‘tu pourrais mourir d’un infarctus, fais quelque chose !’. Elle m’a beaucoup poussé.


L'exhumation de Casimir Oberfeld à Přelouč, photo: ČT

Cela a été toute une histoire pour savoir où il était en interrogeant les services d’Auschwitz. Ils ont dit qu’il a été déporté dans les ‘marches de la mort’ et qu’il a été jeté à Přelouč (une commune située dans la région de Pardubice à l’est de la Bohême, ndlr). Ensuite, c’est un ami tchèque qui a été notre guide, un ami tchèque que je connaissais de l’année 1967, qui a été hébergé par mes parents quand il était en France. Il en a été très reconnaissant parce que pendant qu’il était en France, il y a eu l’écrasement du Printemps de Prague. Il est quand même rentré et trente ans après, il s’est souvenu de moi et c’est lui qui m’a aidé. »

Il s’agit d’Oldřich Pleštil…

« C’est une pièce centrale. Sans lui, rien ne se serait passé. Il a trouvé madame la maire. Il l’a rassurée parce qu’elle se méfiait un petit peu. Il a trouvé un avocat, l’entreprise d’inhumation. L’avocat a dû contacter le ministère de la Défense et ils ont fait une première exhumation pour faire un test ADN. Ils avaient une chance sur neuf, si jamais ce n’était pas comme sur le plan. Ils ont dit : ‘Ecoutez, on en déterre un, si cela ne va pas, le test est fini, on ne vous donne pas une deuxième chance’. Et selon le test, à 99,99% j’étais le fils de ce type-là. »

Votre famille est liée d’une certaine façon à cette Bohême puisque du côté Dunant, vous avez un aïeul qui travaillait à la Croix Rouge et qui s’est, dans ce cadre, rendu au camp de Terezín…


L'exhumation de Casimir Oberfeld à Přelouč, photo: ČT

« Voilà, il s’agit de Paul Dunant, délégué de la Croix Rouge et qui est allé à la fin à Theresienstadt (le nom allemand de Terezín, ndlr) et qui s’est arrangé pour le fermer avec un autre délégué. Et il a sauvé des dizaines, peut-être une cinquantaine de Juifs en les négociant contre des paquets de cigarettes dont les SS étaient friands. Et puis il avait un bon contact avec les Allemands car il était grand et suisse et les Allemands le trouvaient assez ‘aryen’… Cela lui a valu la Légion d’honneur et il aurait pu avoir la médaille des Justes juifs mais, et c’est vraiment contradictoire, il disait : ‘je suis content d’avoir sauvé des Juifs mais je ne veux pas m’afficher avec la ‘juiverie’’. Il a dit cela et c’est très contradictoire. »

Ce sont des histoires très dramatiques et vous l’avez dit, cela a déjà fait l’objet d’un livre sur votre oncle Georges Oltramare, ‘Plaine des héros’ d’Yves Laplace. Il y aura peut-être également un film sur cette aventure que vous avez vécue pour retrouver le corps de votre père biologique. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

« C’est Axel Clevenot qui est un cinéaste et réalisateur remarquable qui va s’appuyer sur ce que je lui ai dit et qui est déjà venu filmer l’exhumation. Il y aussi un livre en préparation de M. Jean-Pierre Guéno qui est écrivain et historien. »

Est-ce que vous-même vous comptez revenir en République tchèque ?

« Bien sûr, j’ai envie de revenir parce que d’autres gens veulent que je fasse des interviews là-bas et tout le monde y est tellement aimable. J’ai été superbement accueilli à Přelouč et j’aimerais encore citer mon bienfaiteur Oldřich Pleštil, qui a tout fait, qui est super dynamique. »