Le Diable à Paris de Marcel Lattès (1886-1943) à l'Athénée – Satan ne fait plus le Malin


Une bonne nouvelle dans la morosité ambiante ! Deux mois après la reprise de Normandie, les Frivolités Parisiennes (photo) sont de retour à l’Athénée à partir du 18 décembre (onze dates jusqu’au 9 janvier)  avec une nouvelle production : Le Diable à Paris de Marcel Lattès (1886-1943). Ancien élève de Diémer et Widor, proche de Massenet, ce dernier mena une brillante carrière dès avant le premier conflit mondial et durant l’entre-deux-guerres, tant dans le domaine de l’opérette qu’au cinéma (une quarantaine de musiques de film entre 1930 et 1940), tragiquement brisée hélas par sa déportation à Auschwitz en décembre 1943 ... Les Frivolités Parisiennes avaient furtivement abordé cet auteur en studio – avec un air tiré de Maggie (1919) inscrit au programme de leur délicieux CD « Tea for Two » (Naxos) – mais jamais encore à la scène.

Marcel Lattès © DR

 

 

 

Des touches swing et jazz

Pour ce faire, Mathieu Franot et Benjamin El Arbi, co-directeurs de la compagnie, ont jeté leur dévolu sur Le Diable à Paris. «Une partition majeure dans l’histoire de l’opérette/opéra-comique en France, souligne M. Franot ; c’est là que le premier blues fait son apparition dans une opérette. » L’histoire (livret de Robert de Flers et Francis de Croisset, lyrics d’Albert Willemetz), qui commence dans une petite gare du Pays basque, conte le retour de Méphisto à Paris après une longue absence (dernier passage en 1859 !). La ville lumière a bien changé et le Malin y trouve désormais ... plus malin que lui ! La musique d’opérette a, elle aussi, profondément évolué depuis le temps d’Hervé et d’Offenbach : « Lattès, explique M. Franot, après un premier acte très opéra-comique, se moque des codes de ce dernier et insère des touches swing et jazz dans un œuvre créée en 1927 au théâtre Marigny, où l’auteur pouvait s’autoriser plus de libertés que sur une scène plus officielle ».

Arbi © Nemo Perier Stefanovitch

Un énorme travail de restauration

 « Monter Le Diable à Paris nous tenait beaucoup à cœur, poursuit M. Franot, mais il a fallu mener un énorme travail de restauration puisque nous ne disposions que d’un piano-chant et d’un enregistrement de la Radio capté dans les années cinquante. » Sous l’œil vigilant de Christophe Mirambeau (photo, au centre au premier ranf), conseiller musical des Frivolités Parisiennes, Jean-Yves Aizic et Edouard Signolet (metteur en scène de la production) ont travaillé, le premier à la restauration de l’orchestration originale, l’autre à celle du livret original, auquel il a donné un bon petit coup de jeune avec l’humour caustique qu’on lui connaît. L’enregistrement de la radio ne comportait pas les dialogues complets, mais des transitions entre les numéros dites par un narrateur. E. Signolet s’en est inspiré pour introduite un rôle parlé, confié à la comédienne Céline Groussard.

Dylan Corlay © DR

Respecter les timbres originaux

Un spectacle requérant pas moins de 33 instrumentistes en fosse résulte de ce patient travail de retour aux sources. On y reconnaît la signature des « Frivos » et leur désir de toujours respecter les timbres originaux des partitions. Dylan Corlay, que l’on avait chaudement applaudi dans l’épatant Testament de la tante Caroline de Roussel (1) en juin 2019 à l’Athénée, est de retour pour diriger la partition de Lattès et emporter l’enthousiasme d’une troupe où l’on retrouve des chanteurs habitués des Frivolités : Marion Tassou, Julie Mossay, Mathieu Dubroca, Denis Mignien (le rôle du Diable lui échoit). Deux nouveaux venus se tiendront à leur côtés : Sarah Laulan et Paul-Alexandre Dubois. Ajoutons-y une dizaine de girls et boys venus du monde du cabaret et tous les ingrédients seront réunis pour un spectacle complet.
Un début 2021 très offenbachien

La saison en cours apparaît bien remplie pour les Frivolités(2), qu’il s’agisse de productions propres ou de prestations en tant qu’orchestre invité. Pour les premières, après Normandie (dont la reprise à l’Athénée fut hélas écourtée de ses deux dernières dates) et Le Diable, on retrouvera la compagnie à Paris et à La Rochelle en avril-mai avec « Cole in Paris », concert-show en hommage à Cole Porter imaginé par Christophe Mirambeau. Quant aux invitations, l’Orchestre des Frivolités est attendu au théâtre des Champs-Elysées pour « Un élixir d’amour » d’après Donizetti en février, avant d’entrer dans une période très offenbachienne : Le Voyage dans la lune en février (à Compiègne, m.e.s Olivier Fredj) et en avril (à l’Opéra-Comique, m.e.s. Laurent Pelly) et  La Belle-Hélène en mars (à l’Opéra-Comique, m.e.s. Michel Fau).   
 
Alain Cochard
(Entretien avec Mathieu Franot réalisé le 3 décembre 2020)

 

(1) www.concertclassic.com/article/le-testament-de-la-tante-caroline-dalbert-roussel-par-les-frivolites-parisiennes-lathenee-la
La sortie de l’enregistrement de cette mémorable production est annoncée courant 2021 chez Naxos.
 
(2) lesfrivolitesparisiennes.com/
 
Marcel Lattès : Le Diable à Paris
18, 19, 26, 27, 29, 31 2020 / 2, 3, 6, 8 et 9 janvier 2021
(Durée 2h20 entracte inclus ; à 18h, 15h le dimanche, 20h le 31 déc.)
Paris – Athénée Théâtre Louis-Jouvet
www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/le_diable_a_paris.htm
 
Photo © Bernard Martinez