Depuis quelques années, Erich Wolfgang
Korngold est en plein revival.
S’il n’a jamais été oublié des cinéphiles pour avoir en grande
partie forgé (avec Max Steiner, entre autres) l’esthétique des
films hollywoodiens des années 1930-1940, ni des amateurs
d’opéra qui tous connaissent Die tote
Stadt, Korngold est de plus en plus
souvent présent dans la programmation des concerts symphoniques
ou chambristes et fait régulièrement l’objet d’enregistrements
nouveaux – son Concerto pour violon op.35 ayant particulièrement
la cote en ce moment. Outre les « tubes » tiré de son œuvre
lyrique phare, les amateurs de musique vocale peuvent également
se tourner vers les 4 autres opéras du maître (Violanta et Das
Wunder der Héliane en priorité) ou se plonger
dans la petite cinquantaine de Lieder bien défendus au disque
par Anne Sofie von Otter (DG), Dietrich Henshel (Harmonia Mundi)
ou, pour une petite poignée d’entre eux, Angelika Kirchschlager
(Sony).
Jusqu’à ce jour, le livre de Brendan G. Carroll, The
last prodigy : a biography of Erich Wolfgang Korngold (1)
faisait figure de référence biographique. A côté de cette Bible,
indisponible depuis un certain temps, d’autres écrits plus
ramassés, comme celui de Jessica Duchen (2) ou l’unique
biographie en français de votre serviteur (3) , ont pour
vocation d’introduire le mélomane dans le monde coloré de ce
compositeur récipiendaire de deux Oscars.
La publication de Guy
Wagner, Musik ist Musik, vient
s’ajouter tout en haut de la liste.
Concernant le parcours biographique proprement dit, le présent
ouvrage n’apporte rien de véritablement inédit. Pourtant, ce
livre présente quelques éléments aussi précieux qu’originaux.
Tout d’abord, Wagner nous présente la famille Korngold de
manière fouillée, qu’il s’agisse des aïeux d’Erich ou de son
frère, Hans Robert, qui connut un destin très différent de celui
de son cadet - un chapitre lui est entièrement consacré en
annexe. Plus original encore, dépliez la jaquette du livre et
vous y trouverez un arbre généalogique très détaillé de la
famille du Wunderkind sur
cinq générations ! Si Guy Wagner n’accentue pas le côté
particulièrement sympathique de la personnalité du compositeur
–il garde au contraire une certaine distance parfois un peu
froide qui éloigne d’autant le livre du genre de l’hagiographie-
il parvient à l’inclure dans son temps en brossant un tableau
fort intéressant de l’époque et de l’environnement
(principalement artistique) dans lequel Korngold vécut. En plus
de cela, on trouve, au fil des pages, quelques 250 documents
iconographiques (dont certains sont inédits), malheureusement
reproduits dans un format trop petit pour que l’on puisse en
profiter de manière optimale. Pour terminer, Guy Wagner consacre
un chapitre intéressant à la « renaissance » de Korngold –
comprenez les pierres des touche des efforts divers et variés
pour la connaissance du compositeur et la promotion de sa
musique.
Signalons également que les œuvres importantes sont commentées
(sans exemples musicaux), que l’auteur accompagne sa prose d’un
riche appareil de notes et qu’une longue bibliographie est
donnée en fin de volume, mentionnant même quelques travaux
universitaires non publiés et un titre en…japonais. En somme,
cet ouvrage s’impose comme la nouvelle référence en la matière
puisqu’il n’oublie rien de ce qu’on savait déjà et qu’il réunit
des informations qui contribuent à élargir notre lecture du
sujet. Etant donné qu’il sera désormais difficile d’ajouter quoi
que ce soit sur le plan biographique, la musicologie doit
maintenant explorer plus en profondeur la musique de ce
compositeur toujours étonnant.
Nicolas Derny
Jeudi 28 Janvier 2010
(1) B.G. Carroll, The last prodigy : a biography of Erich
Wolfgang Korngold, Amadeus Press, Portland, 1997
(3) J. Duchen, Erich Wolfgang Korngold, Phaidon Press, 1996
(4) N. Derny, Erich Wolfgang Korngold, itinéraire d’un enfant
prodige, Editions Papillon, Genève, 2008